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 Une comédie dramatique en trois actes où le corps humain rentre en scène

Cette comédie dramatique écrite en 2005 fut montée en 2006 et jouée dans les Vosges avec la troupe "Les Acharnés de l'avant-scène" de Saint Nabord.

4ème de couverture...      


             Des voyageurs prennent place dans un hall de gare étrange. Ce sont en fait les organes du corps humain embarquant pour un dernier voyage. Le Cerveau se préoccupant de ses sujets engage la conversation. Chacun va livrer ses impressions et dénoncer sans détour ses propres conditions de vie. 

         Satisfaisante ou pas, la place qu’ils occupent au sein de la communauté et la tâche qui leur incombe provoquent d’innombrables conflits. À la fois indépendants et complémentaires, bien que soumis à l’autorité, ils sont tous rendus responsables de leurs actes et de la bonne marche ou pas de la société.

          Se reprochant tour à tour leur comportement, ils vont alors régler leurs comptes. Las de ces rivalités, le pouvoir se laissera aller. Dès ce relâchement, l’anarchie remplacera le bon ordre avec pour conséquence l’impossibilité d’éviter l’inéluctable départ, tout en laissant un espoir fort.

Beaucoup d’émotions, beaucoup d’humour et de poésie.

 



Extraits



.../... Un sifflet de train signale un nouveau départ. Les deux se regardent en silence. Résignés et non surpris. Passage de la silhouette noire.

 

Après un temps

LE CERVEAU :           Crois-tu qu’il soit possible d’aimer deux personnes en même temps ?

 

LE CŒUR :                 Et toi ?

 

LE CERVEAU :            Je pense que oui. Parce que deux personnes apportent des sentiments différents et génèrent une complémentarité. L’éventuelle insuffisance est alors comblée.  

 

LE CŒUR :                 Voilà bien un raisonnement intellect !

 

LE CERVEAU :            Comment cela ?

 

LE CŒUR :            Aimer c’est d’abord donner pour ensuite recevoir. Or, je ne crois pas qu’il soit possible de donner à deux personnes ce qui est parfois difficile de donner à une seule. Par conséquent il y a toujours un manque à quelque part. On ne peut aimer d’amour deux personnes à la fois !

 

LE CERVEAU !           En es-tu certain ?

 

LE CŒUR :                  Mais réfléchis !

 

LE CERVEAU :            Eh, je ne fais que ça !

 

LE CŒUR :                Crois-moi, dans tous les cas, les règles du jeu sont faussées. Que fais-tu de la confiance, du respect des autres ? Que fais-tu de l’honnêteté qui leur est due, que tu te dois à toi-même !

 

LE CERVEAU :            Mais ça existe ! Combien de gens vivent cette aventure ! 

 

LE CŒUR :               Oui ! On appelle cela des amants ! Et pour eux commencent alors un long calvaire, parsemés de plaisir assurément mais surtout emplis de doutes, d’interdits, de mensonges, d’insomnies, de rêves, d’illusions !

 

LE CERVEAU :            Possible, mais ce sont souvent de belles histoires.

 

LE CŒUR :            Sans doute mais oh combien tristes malgré tout et très difficiles à vivre. Il y a souvent plus de larmes que de sourires et cela, les autres comme tu dis, ne le voit pas. L’amour n’aime pas à moitié. C’est le terrible secret des amants, le fardeau clandestin d’amoureux condamnés.  Il est trompeur de croire à ces histoires d’amour lorsque le désir l’emporte sur le plaisir. Le désir est physique, cérébral. Le plaisir est et sera toujours une histoire de cœur. Lorsque le désir et la raison l’emportent, il n’y a pas d’amour heureux.

 

LE CERVEAU :     Si tu dis vrai, alors les gens raisonnables ne peuvent véritablement aimer ?

 

LE CŒUR :                 Si ! Mais je dis qu’en amour tout le monde devrait écouter son cœur et non son esprit.

 

LE CERVEAU :            Tu prêches pour ta paroisse.

 

LE CŒUR :                 Non, l’amour, c’est mon affaire ! Tu es trop cartésien. Où tu me déçois, c’est lorsque tu fais des promesses à ma place.  Une promesse de cœur ne s’emprunte pas.

 

LE CERVEAU :            Une promesse d’esprit vaut bien une promesse de cœur ! Elle peut être aussi sincère.

 

LE CŒUR :                 Oui, sauf que toi, tu te permets de la retirer.

 

LE CERVEAU :            L’erreur est permise, même en amour.

 

LE CŒUR :                Mais elle est blessante, trop blessante ! Et cela laisse parfois des souffrances indélébiles. Le chagrin d’amour ne devrait pas exister.

 

LE CERVEAU :            Il n’est pas insurmontable.

 

LE CŒUR :                 Sauf pour l’unique.

 

LE CERVEAU :            L’unique ?

 

LE CŒUR :                 Oui, l’unique amour.

 

LE CERVEAU :            Tu crois qu’il existe ?

 

LE CŒUR :                 Oui il existe. Et un chagrin sur cet amour, c’est le cancer du cœur.

 Un temps

LE CERVEAU :            Tu sais ce que je pense ?

 

LE CŒUR :                 Non

 

LE CERVEAU :             Que l’amour est une saloperie.

 

LE CŒUR :                  Attends, on parle bien de l’amour avec un grand A ? Celui qui nous fait vibrer ?

 

LE CERVEAU :            Oui, celui-là

 

LE CŒUR :           Alors oui, l’amour est une saloperie… mais quelle belle saloperie !

 

Un temps.

LE CERVEAU :            Ah ! … Je suis bien, j’ai envie de dormir.

 

LE CŒUR :                 Moi aussi, il faut que je me repose un peu… Tu sais que tu es fatiguant parfois mais je ne t’en veux pas. Les blessures que tu m’as provoquées cicatrisent, doucement, nous sommes liés par le sang, ainsi est notre histoire. Tout cela doit rester entre nous, d’accord ?

 

LE CERVEAU :            D’accord ! Rassure- toi, si les traumatismes causés par tes coups de cœur sont enregistrés dans un dossier, c’est celui des archives et j’en ai oublié le code. Sans rancune vieux frère ?

 

LE CŒUR :                 Sans rancune. Allez, dors bien mon grand et reste fort.

 

LE CERVEAU :            Merci ! Et toi, continue de battre la chamade, ça réchauffe.

 

LE CŒUR :             Ne t’inquiète pas mon ami, j’ai un cœur gros comme ça. Bonne nuit.

 

LE CERVEAU :            Quant à moi ce soir, je me sens libre.  Bonne nuit.

         Noir