Mystérieuse Flore

Pour reconstruire avec des pierres, il suffit de les reprendre dans le tas et de les empiler. La souffrance, elle, ne s'efface pas en superposant les blessures.

183 pages * 21 x 15

"Mystérieuse Flore"

par Xavier Battistella


Une coupure de journal extraite d'un coffret verrouillé

Un lac qu'un touriste voudrait acheter

Un bal du 14 juillet avec deux poivrots à l'accordéon

Une agression sexuelle qualifiée de baiser volé

Une réunion de famille dans la douce chaleur du feu allumé dans un refuge de montagne en plein hiver.

Les traces d'une baston maquillées en accident de bûcheronnage

Un traître au visage humain, un responsable irresponsable, une vivante déjà morte, un macchabée joueur

Mystérieuse Flore, c'est ce mélange d'univers où tendresse et brutalité ne cessent de se côtoyer, de se confronter sans qu'on puisse savoir qui en sortira vainqueur à chaque période traversée.

Car Mystérieuse Flore, c'est aussi un récit à deux époques, qui s'apprivoisent petit à petit, en allers-retours chaotiques  jusqu'à ce que la boucle se boucle dans un final mystérieux.

Le mystère prédomine, en effet: on revisite le douloureux thème du secret de famille, car les sauvages ne sont pas ceux que l'on croît, les touristes portent de curieux masques et les fous ne sont pas fous.

L'auteur se questionne, puis questionne le lecteur au travers de personnages bavards, blagueurs, philosophes, et qui parfois laissent parler leur cœur.

4ème de couverture...


Quel mystère poussa Flore Kempf à se cloîtrer au fond de sa vallée natale ? Elle qui se destinait à croquer la vie, à la défendre, à la secourir.

Virginie venue dans les Vosges pour des raisons familiales, découvre dans le château de son grand-père un document troublant qui la conduira, en compagnie d’Alain, calme pêcheur et mémoire vivante, à remonter l’histoire d’un passé oublié.

 

Cette intrigue haletante nous transporte sans relâche sur la rive d’un lac au cœur de la forêt vosgienne, de nos jours à la fin des années trente, alors que l’essor de l’industrie textile semblait encore possible. Puis elle nous entraîne dans la spirale de la guerre pour mieux nous replonger dans la réalité actuelle et découvrir, avec surprise, les véritables raisons de l’isolement de la mystérieuse Flore.

Extraits...

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../... Les cuillères se posèrent doucement. Un silence total s’abattit dans la cuisine comme une chape de plomb. Flore éclata en sanglots. Jean la prit contre lui. Louis repoussa son assiette encore pleine, se servit un verre de vin, le vida cul-sec, se leva doucement et se planta debout devant la fenêtre, ses yeux humides de douleur et de rage rivés sur la rivière. Immobile sur sa chaise, Victoire recommença inconsciemment de tourner sa cuillère dans son assiette. Le ronronnement de l’ustensile métallique mêlé au tic-tac régulier de l’horloge composait un tempo étrange, brisé subitement par un bruit de casseroles et de vaisselle appuyé d’un puissant juron.

– Nom de Dieu! Le salaud! s’écria Louis en balayant tout ce qui traînait sur l’évier de granit.

– Pas étonnant, quand on connaît le gaillard! repris Victoire. Tout de même, tu l’as peut-être bien cherché.../...

.../...

.../... Dissimulée dans la pénombre derrière la fenêtre de la cuisine, Victoire n’eut pas de mal à reconnaître le visiteur.

– Va voir, cria-t-elle à Flore. C’est Mozart !

– Mozart ?

– Oui, ton Boche!

– Et pourquoi mon Boche ?

– Tu voudrais peut-être que je l’appelle Amadeus ?

– Il s’appelle Wolfgang.

– C’est bien ce que je dis! Et c’est quand même ton Boche. Tu nous prends pour des idiots ?.../...


.../...

       

 .../... – Ne crâne pas Kempf ! dit-il en serrant fortement le cou de Flore de ses doigts.

En la maintenant ainsi, il l’obligea à quitter l’arrière du bar sur lequel verres et bouteilles se renversèrent au passage du bras funeste. Les quelques consommateurs accoudés au comptoir s’écartèrent sans un mot, terrifiés. Un lourd silence se fit instantanément dans la brasserie. Le patron, fidèle à sa lâcheté, prétexta un contrôle de livraison pour s’enfuir dans la réserve. Berlon, suivi de son complice, entraîna Flore dans la salle voisine et la força à s’asseoir sur une chaise. Plongeant une main dans sa poche, il en sortit un rasoir, ouvrit l’ustensile sans la quitter des yeux, saisit une mèche de cheveux et, d’un coup sec, coupa une boucle blonde. Les larmes prêtes à perler sur le bleu de ses yeux, Flore tenait bon. Pour rien au monde elle ne voulait s’effondrer devant ce minable. Comme dans les mains du barbier sur un visage viril, le rasoir montait et descendait lentement sur la joue blanche. Visiblement, Berlon jouissait de la terreur provoquée sur la fille. L’outil tranchant s’arrêta, prêt à glisser horizontalement, redescendit sur le cou, s’appuya contre l’artère battante. Flore ferma les yeux, s’attendant au pire. Tout à coup, une gifle magistrale lui expédia la tête de côté et la fit tomber de sa chaise.

          – Je sais où tu habites espèce de putain. Il me sera facile de te retrouver et plus vite que tu ne le penses. Si ce n’est pas ici ou rue de Metz, ce sera dans ton pays. Il se passe des choses là-bas qui pourraient bien intéresser mon… fonds de commerce ! .../...


.../...


.../... Ces hommes, si l’on pouvait encore les comparer à des êtres humains, en insultaient et en frappaient treize autres, vaincus, impuissants, les mains liées dans le dos. Sous les coups cruels, ils avancèrent péniblement au pied d’un orme planté au centre d’un petit pré triangulaire. Ange ou démon, l’arbre généreux, presque centenaire, se préparait à devenir à la fois flambeau du martyr et pieu du bourreau. Jean ne tremblait plus de froid mais de frayeur. Le lisier dans lequel il trempait n’avait plus aucune odeur face à celle de la mort imminente qui planait à cette première heure du 21 septembre 1944. Soudain, le cri tant redouté déclencha la terrible fusillade. « Feuer ! » Jean ferma les yeux et se boucha les oreilles. Ses sanglots, couverts par le bruit des fusils et des moteurs ronflants, ne s’arrêtèrent que lorsque les sauvages assassins quittèrent les lieux en chantant. Le calme revint comme après un mauvais rêve, insolent, sinistre. Combien de temps Jean resta-t-il dans ce fossé rempli de merde ? Seule la puanteur lui donna le courage de se relever. Assistée d’un brouillard complice, la nuit enveloppait respectueusement les treize corps mutilés. Tombés comme des sacs de plomb, treize tas de chair gisaient dans leur sang. Terrifié, Jean sauta le talus sans savoir où il posait les pieds. Il courut, tomba, heurta des rochers, tomba à nouveau, reçu des gifles d’arbres invisibles,.../...